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mardi 13 octobre 2015

Je suis ce couple sur 6: Travail et PMA, mon courrier aux députés de ma Région


Travail et PMA


Bonjour Mesdames et Messieurs les Députés, 



Depuis presque deux ans à présent, mon mari et moi sommes suivis à l’Hôpital L’Archet de Nice,  au centre de Procréation Médicalement Assistée (PMA) afin d’espérer pouvoir fonder notre foyer et famille.
Pour rebondir sur les propos de Marisol TOURAINE,  qui a réaffirmé la nécessité de moderniser notre système de santé pour « le rendre plus juste et mieux adapté aux réalités d’aujourd’hui », mon mari et moi-même aimerions vous relater une partie de notre réalité.
Aussi pour faire suite à l’amendement 301 bis du 14 septembre 2015 proposé et voté par les sénateurs en matière de salariés en parcours PMA et afin d’œuvrer à des avancées sociales pour les couples dans ce parcours, je me permets de vous relater un bout de notre histoire.
Depuis janvier 2015 nous sommes en parcours de don d’ovocytes mais nous avons déjà suivi au cours de l’année 2014, 4 tentatives de fécondation in vitro.
Chaque FIV ou tentative de FIV fait l’objet d’un rituel programmé qui fluctue au rythme des réactions de nos organes et des hormones que nous leur injectons. Les rendez-vous médicaux s’enchaînent (spécialiste, biologiste, psychologue) et durant  cette période, mon emploi du temps est soumis aux prises de sang matinales, aux appels des sages-femmes de la PMA dans l’après-midi et aux échographies pour lesquelles les dates ne nous sont communiquées que 2 jours avant.
Levés aux aurores (1 heure de trajet jusqu’à l’Hôpital L’Archet de Nice) nous voulons arriver avant 7h30, pour être dans les premiers à passer et ne pas arriver trop en retard au travail. 9h10 : arrivée au travail ça passe encore pour cette fois, juste le regard inquiet des collègues (j’aurai vite pris l’habitude d’ôter le sparadrap au pli de mon bras).
Le même scénario se répète tous les 2 ou 3 jours jusqu’au jour de l’acte chirurgical sous anesthésie, la ponction ovocytaire (la date de cet acte nous est communiquée 48 heures avant) avec également un recueil de sperme frais pour mon époux, arrêt de travail d’une journée. 3 jours plus tard, nous attendons un appel de la PMA pour un  transfert d’embryons le jour même.
Transfert effectué, retour au travail, nous posons un demi RTT. Pas le temps de souffler ni de savourer cette première petite avancée…l’après-midi est longue, j’ai le bas ventre qui tire.
Pendant cette période,  notre priorité, le désir de fonder une famille, se retrouve confronté à la réalité professionnelle…Il est difficile de concilier les deux et de s’engager sur une réunion les matins, ou d’envisager un déplacement professionnel à 3 semaines. Il est tout autant impossible d’expliquer à son responsable les raisons de ces refus de réunion ou de déplacement.

Je donne souvent comme excuse que je n’ai pas encore de visibilité sur mon agenda  car depuis le parcours don d’ovocytes, je suis tenue en haleine par les appels de la PMA. J’ai la chance d’être cadre dans mon entreprise, je bénéficie d’une certaine flexibilité mais j’ai également des responsabilités à assumer. Je n’ose imaginer à quel point cela doit être plus difficile encore pour les couples n’ayant pas cette autonomie.
Mon téléphone me fait quitter les réunions les plus importantes sans raison apparente, les traitements me font souffrir, je ne peux pas anticiper ni mes absences, ni mes déplacements, ni mes congés car si je recevais un appel de la PMA pour m’annoncer une donneuse compatible…
Lorsqu’arrive enfin cette bonne nouvelle, les médecins doivent me synchroniser avec la donneuse, s’enchaînent de nouveaux rendez-vous, un nouveau parcours qui précède la Fécondation In Vitro et le transfert d’embryons.

Cela fait 2 ans maintenant, je suis rôdée à l’exercice.

La souffrance de cette réalité, de notre histoire, je peux la gérer, on la gère à deux, mon mari et moi.
En ce qui concerne l’activité professionnelle en tant que salariés et afin de  bénéficier d’un système de santé adapté  à nos réalités, nous avons besoin de vous afin de faire résonner l’écho de ce couple sur 6, infertile mais battant, que nous sommes.
Vous avez la possibilité de faciliter notre quotidien professionnel et notre parcours médical. Certaines personnes sont en PMA depuis 10 ans…Nous autoriser une absence, un retard tout simplement, nous enlever un peu de ce stress que l’on se rajoute, sachant que la majorité des rendez-vous médicaux ont lieu le matin avant 9 heures.
Je suis cette femme infertile qui souffre et qui arrive tard au travail mais  qui ne peut rien dévoiler, c’est trop stigmatisant.
Mon mari est cet homme, qui souffre et qui s’absente de son travail pour ses recueils de sperme et pour me soutenir…
Dès qu’il le peut, il m’accompagne en PMA. Qu’on ait au moins l’impression de le faire un peu à deux quand même cet enfant !
Je suis ces femmes, celles que je rencontre tôt les matins dans le couloir de la PMA, celles qui se maquillent ou qui déjeunent dans la salle d’attente, ou qui appellent leur boss ou qui essaient de répondre à leurs mails.
Nous sommes ce couple sur 6.


Don des Fées Mères


2 commentaires:

  1. Témoignage poignant de verité. Une avancée si nous pourrons a l'avenir nous absenter pour ces rdv médicaux oui sur le papier ca parait super. Sauf que dans la realité annoncer à son patron et à ses collegues que l'on sera absente, souvent, et de facon imprevisible, pour esperer etre enceinte dans un monde du travail ou la femme qui projette une grossesse n'est pas la bienvenue... J'ai de gros doutes...

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  2. je tombe par hasard sur votre texte qui me tire les larmes, je me reconnais tellement dans votre récit. La loi est passée en 2017 mais son application n'est pas évidente comme le dit le commentaire précédent, le monde du travail est cruel envers le désir de maternité. Je me dis que des femmes vont avoir 6-10-12 enfants et autant de congés maternité, pour moi qui n'en ai pas, se bat et n'en aurait peut être un jour qu'un, j'aimerais qu'on accorde un congé pma de 6 mois-1 an pour accomplir ce désir en toute sérénité au lieu de devoir toujours planifier, courir, se justifier. Une véritable égalité des droits entre les femmes à pouvoir devenir mère.

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